La SZR 660 Yamaha
J’annonce : missile sol-sol pour routes violeuses.
La SZR n’est pas précisément une bombe question moteur. 48 ch il n’y a pas de quoi affoler les foules. Mais 48ch délivrés par un gros mono bien connu puisqu’il s’agit du bloc 660cm³ 5 soupapes à refroidissement liquide de la Yamaha XTZ. Un moteur de trail dans un châssis affuté. Ça vous fait penser à quelque chose ? Je vous aide, qu’est -ce que Yamaha a fait avec le moteur de la TDM en le greffant dans un châssis léger et rigide? La TRX bien sûr !
Conçues et commercialisées à la même période ces deux motos atypiques sur le marché ont connu le même flop commercial, enterrées par les sirènes du marketing qui mettaient en avant la puissance et la vitesse de pointe des 4 pattes.
Pourtant la SZR a bien des arguments à faire valoir.
Petit flashback.
En 1989 Yamaha lance la Super Ténéré sur le marché. Pour promouvoir l’image de son premier gros trail bi-cylindre (dont le moteur finira par donner naissance au 850cm³ de la TDM/TRX) Yamaha décide d’engager ses gros twins sur le Paris-Dakar et abandonne les gros mono. En 1990 le BYRD (Belgarda Yamaha Racing Division) en charge de la préparation des Yamaha usine du Dakar se retrouve donc avec un stock de moteurs monocylindres inutilisés. Le mono Yamaha est performant, Franco Picco était monté sur la deuxième marche du podium du Dakar 88-89 avec ce moulin, et Daniele Papi, le boss du BYRD n’est pas du genre à supporter qu’une belle mécanique reste à l’abandon dans les stocks. Sans doute comme une blague à l’apéro, il suggère à son ingénieur Marelli d’adapter ce moteur dans le châssis d’une TZR250-R.
Réservé au Japon où la catégorie 250 est très prisée et où le niveau du championnat national est très relevé (souvenez-vous que Daijiro Kato, alors Wild card, avait fini troisième du GP 250 de Suzuka 1996 avant de remporter l’épreuve en 97 et 98. En 98 le podium 250 est même exclusivement constitué de pilotes wild cards japonais ! Un exploit unique dans l’histoire des grands prix), la TZR 250-R est ni plus ni moins qu’une compé client directement dérivée de la 250 usine engagée en grand prix.
Marelli se prend au jeu et tape copieusement dans le réservoir de pièce racing à sa disposition. Il augmente le taux de compression, remplace les carbus mikuni de 32mm par une paire de Dell’Orto de 37mm et modifie les arbres à cames pour permettre de bien gaver le moteur dans les tours. Côté châssis, il adapte la fourche du kit compétition de la OW01 (record du tour au TT 1992 avec Fogarty au guidon). Au final il dévoile à Monza une bitza de 68 ch pour 123kg qui va pourrir toutes les motos présentent en piste avec il est vrai un Fabrizio Pirovano en grande forme a son guidon puisse que le jour même il remportera les deux manches du mondial superbike.
Mais cette démonstration de savoir-faire « pour le fun » n’en restera pas à ce coup d’essai magistral. En octobre de la même année, Yamaha dévoile la 660 XTZ au salon de Cologne. Avec son moteur 5 soupapes à refroidissement liquide le BYRD dispose d’un moteur idéal pour produire en série un mono sportif. Yamaha Japon laisse le champ libre à l’usine de Belgarda, sauf sur un point, le design. Dommage sans doute de ne pas avoir laissé les Italiens s’exprimer jusqu’au bout. Mais l’essentiel des ingrédients reste dans la recette. C’est toujours le cadre de la TZR qui sert d’écrin au nouveau moteur. Pour le reste, les italiens font confiance à la production de leurs compatriotes. C’est ainsi que Brembo fourni les roues et les freins, Paoli apporte la fourche inversée dotée de tous les réglages, Marzocchi est en charge de l’amortisseur arrière, Tomaselli dépose les bracelets dans la corbeille et pour finir Lafranconi accorde l’échappement.
De la haute couture italienne sur base de produit industriel japonais. La classe et la rigueur avec quand même un soupçon de manga pour le design.
Contact.
Premier constat en posant les fesses dessus, c’est tout petit ! Je ne suis pas vraiment une perche (1m80), mais je suis quand même un peu replié dessus et mes genoux trouvent plus facilement à se cogner contre les joues de la tête de fourche plutôt que de venir se loger dans les échancrures du réservoir. Les bracelets placés sous le T de fourches donne le ton, ambiance racing. Mais ça reste praticable au quotidien. L’assise est basse et du coup on est pas trop sur les poignets. Au démarrage ce n’est pas vraiment impressionnant. Le gros mono apporte un couple appréciable, mais ça manque un peu d’allonge. Entre les cognements en dessous de 3000 et le rupteur à 7000, on se dit qu’il va falloir tricoter du sélecteur pour profiter de la bonne plage de régime. A l’usage on se rend compte qu’il n’en est rien. Rester dans le gras du couple se fait tout naturellement, instinctivement pour ainsi dire. D’autant que virage après virage on en fini pas d’être rassuré par la tenue de route, superlative, et par la confiance qu’apporte le train avant. Ici l’expression « retour d’information » prend tout son sens. La fourche travaille merveilleusement bien, tout ce qui se passe sous les roues est expliqué au pilote, mais sans brusquerie aucune et chaque virage semble être pour cette moto l’occasion de venir vous dire au creux de l’oreille «vas y, mets encore de l’angle, ça va bien se passer». D’autant qu’une fois sur l’angle elle est totalement imperturbable.
Entre l’absence d’inertie du châssis et sa rigueur, sauter d’un virage à l’autre devient un jeu d’enfant et on se surprend à entrer dans le jeu de plus en plus fort. Pour couronner le tout, le freinage est parfait. Avec un simple disque pincé par un étrier Brembo 4 pistons (le même que sur les Ducati) et son poids de ballerine la SZR 660 freine fort sans pour autant avoir trop de mordant. Le bon équilibre pour la route. Et si d’aventure l’appel de la piste venait à retentir, tout est prêt pour pouvoir monter un deuxième disque de frein. Exactement comme les 750 SS d’avant 1996. La comparaison avec les Ducati s’arrêtera là, car contrairement à l’italienne qui s’évertue à transformer la moindre route bosselée en épreuve de rodéo, la SZR est un tapis volant. Un tapis volant avec un cul de scooter, mais qui a toutes les qualités requises pour vous laisser le temps de le contempler à loisir.
Alors oui, dès qu’il y aura un bout droit les watts parleront pour permettre aux gros cubes de repasser devant. Mais gardez bien la trajectoire et ne soyez pas surpris si elle vous fait l’extérieur au virage suivant.